Education philosophique
Séminaire : « Le Cancer Racisme »
Bruxelles, 10 novembre 2007
Exposé de F. Figares
[quote ]L’homme se différencie de l’animal parce qu’il ne privilégie pas la force par rapport à la dignité, et parce qu’il est capable d’aider le plus faible à se lever[/quote]
Jorge A. Livraga « Aphorismes », Ed. Nouvelle Acropole
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La Journée Mondiale de la Philosophie
NA en Belgique et NA dans une cinquantaine de pays ont répondu à la demande lancée par l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture (UNESCO), de célébrer, à compter de 2002, le troisième jeudi de chaque mois de novembre, la journée mondiale de la philosophie.
En novembre 2006, NA Internationale a organisé plus de 150 activités dans le cadre de la Journée Mondiale de la Philosophie et dans une cinquantaine de pays. Cela a permis de souligner que la philosophie à la manière classique, c’est-à-dire la philosophie comme une forme de vie, peut enrichir les différentes formes d’expression propres aux hommes de toute culture, ethnie, pays.
Cultiver la philosophie
L’objectif principal de cette initiative de l’UNESCO est de mettre en évidence l’importance de cultiver la philosophie, pour faire face aux conditions particulières propres au monde actuel. L’UNESCO propose la promotion de l’enseignement de la philosophie dans le monde entier. L’Organisation Internationale Nouvelle Acropole (OINA) fait de même depuis la fin des années 50, depuis sa fondation en 1957. Nouvelle Acropole voudrait que la philosophie sorte des vitrines et des universités pour se placer au cœur de l’éducation dans la cité. NA œuvre avec ténacité pour restaurer la pratique de la philosophie à la manière classique, l’art d’enseigner à penser et à réfléchir de manière juste pour pouvoir mener une vie morale, une vie citoyenne responsable et digne.
NA témoigne que cela est possible au-delà de toutes les différences propres aux latitudes et aux mentalités des peuples et des pays de notre monde : Nous avons développé ces activités dans des pays aussi variés que la Russie et la Bolivie, le Pérou ou l’Allemagne, le Canada ou le Japon… Et malgré des différences régionales et naturelles, tous les participants à nos programmes, cours, actions et activités ont en commun la recherche de réponses aux questions philosophiques aussi vieilles que l’humanité elle-même : Qui suis-je ? D’où je viens ? Où allons-nous ?
L’éducation philosophique
Beaucoup de réponses peuvent être apportées grâce à l’éducation philosophique. Mais qu’est ce que l’éducation philosophique ?
Qui mieux que Platon peut répondre pour à cette question ? Platon nous dit que la meilleure éducation est celle qui a été proposée par le meilleur des philosophes, par son maître Socrate. C’est lui qui sort des élites intellectuelles de son temps pour s’adresser à tous sur la place publique. Socrate, à travers la plume de son disciple Platon nous dit que toutes les disciplines propres à la culture humaine gardent un message essentiel qui doit être proposé à travers une éducation globale et humaniste.
Une vie morale, une pratique de la vertu philosophique, reflète le bien fondé d’une éducation philosophique humaniste.
Pour Platon et Socrate, la philosophie est la « mère de toutes les sciences » ou, si l’on préfère, la colonne vertébrale de toute Culture humaniste.
En effet, la Culture, qui est le fondement de toute Civilisation a pour fonction d’humaniser l’homme qui n’est pas homme seulement par son génome ou son patrimoine génétique mais aussi, et surtout, par son patrimoine culturel.
Si le code génétique transmet le programme d’évolution physique de l’homme, la culture transmet les valeurs humaines fondamentales, les connaissances, les usages, l’expérience des générations passées. Elle transmet donc le programme d’évolution individuelle et collective de l’humanité.
Cette expérience, si elle n’est pas intégrée et réactualisée au regard des nouveaux défis du présent, peut figer les sociétés dans une forme de conservatisme aveugle. La société devient incapable de s’adapter, de se remettre en question, de trouver des solutions créatives pour répondre aux nouveaux enjeux qui se posent à elle.
La transmission de la culture se fait par l’éducation dont le rôle essentiel est celui de dévoiler la nature humaine gisant au cœur de l’animal que nous sommes de par notre patrimoine génétique. Aux dires des anciens philosophes grecs, la nature humaine s’exprime à travers les valeurs humaines ou « vertus philosophiques ».
Eduquer provient du latin educere : faire sortir, extraire, élever. L’éducation philosophique a donc comme rôle d’extraire les valeurs humaines dans toutes les disciplines qui s’expriment à travers la culture.
La pyramide culturelle
Le philosophe Jorge A. Livraga, fondateur de NA, nous propose une relecture éclairée du rôle de la philosophie comme « extracteur » des valeurs humaines cachées dans toutes les disciplines et voies de la grande pyramide culturelle.
Les valeurs humaines propres de l’Art sont toutes associées à la Beauté, à l’esthétique. Les valeurs humaines cachées au cœur de la Religion sont associées à la Bonté et à toutes ses formes : compassion, solidarité, etc.
Celles de la Science sont en relation avec la Vérité objective qui nous présente un univers grandiose, une planète prodigieuse et magnifique… Nous ne pouvons plus continuer à produire et à consommer sans aucun « état d’âme ». Nous ne pouvons plus continuer à polluer, à fabriquer des mines personnelles… en détournant la science et la technologie au profit de l’enrichissement ou d’idéologies dépassées mais dangereuses. Il faut que la science se fertilise avec la philosophie.
Et n’oublions pas les valeurs humaines associées à la Politique qui, sans philosophie, se traduisent en pure et mauvaise administration. Le sens de la Politique, la Politique philosophique doit se centrer sur les deux piliers majeurs de toute organisation humaine, la Justice et l’Education. Le rôle essentiel de la Politique est de promouvoir une éducation philosophique pour tous, sans aucune distinction, éducation qui se traduit dans un comportement moral ou citoyen.
La Politique philosophique se doit de créer les conditions et les moyens nécessaires pour que tous deviennent des citoyens, des hommes et des femmes profondément éthiques. Sans la promotion de l’étique, la politique est stérile est nous pensons que c’est à la philosophie à la manière classique que revient le rôle de rétablir l’orientation et la finalité essentielle de la politique.
Comprendre l’autre
L’éducation philosophique nous permet de comprendre l’autre, c’est-à-dire, de développer une sensibilité envers les valeurs humaines que l’autre exprime à travers sa culture, ses traditions, son ethnie. Cela demande un respect issu d’un sentiment de rapprochement, et pourquoi pas rêver, un sentiment de fraternité qui est le but final.
Le problème du racisme est un problème d’incompétence et d’insensibilité dans l’approche de l’autre. Lorsqu’il y a un échange affectif, naturel et sain, la différence est intégrée comme normale.
Pour s’en convaincre, observons simplement une cour de récréation : des enfants de toutes couleurs, confessions et origines sociales s’y retrouvent et les seuls heurts qui se produisent sont dus à des incompatibilités de caractères. L’enfant peut assimiler un grand nombre de différences. A cet égard, la réaction des parents est fondamentale. S’ils refusent de répondre à la question de l’enfant sur ce qu’est une différence, ce dernier croira qu’il s’agit de quelque chose de grave dont on ne peut parler. En ce sens, les futurs racistes, c’est nous, adultes, qui les engendrons.
Le plus important est la coexistence qui est une traduction appauvrie du mot latin « convito », le vivre avec l’autre, le partage des difficultés, d’échecs, de réussites, de rires et des joies. Les enfants savent vivre avec l’autre de manière spontanée et naturelle. L’adulte a plus de problèmes : il est surinformé quant aux origines communes des êtres humains. Toutes les disciplines nous parlent de l’unité de l’espèce humaine et tout le monde accepte de facto ce que la science nous dit mais le résultat de ces connaissances est presque nul car elles ne sont pas vécues.
Actuellement, la plupart des messages sont transmis par l’audiovisuel : par des yeux et des oreilles anonymes. Les campagnes d’information sont faites par des robots. Aucune corde sensible n’est touchée. Tout reste à l’état de slogans : « Plus jamais ça », « Touche pas à mon pote », « Un Blanc vaut un Noir », etc. Intellectuellement, cela semble facile mais dans la réalité, dans la vie de tous les jours, les choses sont beaucoup plus difficiles. Et lorsque face à un Marocain, un Belge ou un Suédois, le slogan se répète, si leur cœur n’a jamais été touché par l’autre, ils seront eux-mêmes victimes de la force de leurs préjugés et de leurs habitudes contre lesquels une information déshumanisée ne peut rien.
Un véritable changement ne sera possible que lorsqu’il aura été effectué au niveau individuel, au niveau du cœur.
Nouvelle Acropole et le nouvel humanisme
Depuis 50 ans, NA, dans une cinquantaine de pays au monde, promeut une philosophie profondément humaniste basée sur les Humanités. L’humanisme englobe l’humanitaire qui en est aujourd’hui sa seule et réduite expression. A la Renaissance, dernière époque où l’Humanisme était triomphant, l’humanitaire se définissait tout simplement comme « servir, aider le plus faible ». L’Humanisme dans conception d’origine, loin d’être une accumulation de connaissances érudites, se traduisait à travers un pacte envers soi-même, un contrat pour développer la maîtrise de ses propres émotions, de ses pensées et de ses comportements.
L’humanitaire, indispensable de nos jours, est un traitement d’urgence tandis que l’humanisme est le traitement de fond. C’est le chemin qui redonne à l’homme sa force morale, sa dignité, comme l’exprima si bien Pic de la Mirandole.
L’idéal humaniste et le nouvel humanisme proposés par NA représentent un état de conscience, un idéal de vie, un sentiment d’appartenance et de responsabilité devant le genre humain.
NA essaie de créer une expérience de « convito » pacifique et de désarmement idéologique indispensable à réaliser. Mais cela passe d’abord par une transformation individuelle réaliste et patiente, car il est vrai que nous ne pouvons pas exiger des autres ce que nous ne sommes pas capables de vivre nous-mêmes.